Contact et légèreté absolue : les inconciliables

Quand on parle de légèreté, l’exemple le plus connu d’équitation dans la légèreté est, à mon sens Baucher.
Bien que d’autres ont réussis les mêmes prouesses en terme de légèreté, c’est tout de même Baucher qui fut le précurseur et surtout qui fut capable de le transmettre par ses écrits et par ses enseignements.

Avant d’aller plus loin, il est bon je crois, de définir précisément la légèreté absolue dont je vais parler ici.

De façon générale c’est une notion difficile à définir car nous n’avons pas d’instruments pour la quantifier facilement à l’inverse des distances par exemple. Du coup elle reste une notion subjective et sujette à interprétations par les cavaliers.

Dans cet article ci, nous parlerons de la légèreté totale et absolue. C’est-à-dire un cavalier avec des rênes franchement lâches, en guirlande tandis que le cheval offre le meilleur de lui-même : rassembler, rebond, expressivité, rondeur…

Vous vous en doutez, si les rênes sont lâches il va forcément y avoir conflit d’intérêt avec la notion de contact. Ce dernier est défini dans les termes suivants :

« On nomme le contact, le rapport moelleux, confiant et permanent qui doit exister entre la main du cavalier et la bouche du cheval »

Il représente et définit la liaison qui existe entre la main du cavalier et la bouche du cheval par l’intermédiaire des rênes et du mors.

Le contact et ses incohérences

A cette définition s’ajoute la mention suivante ou une variante du même genre :

« Ce contact se fait par l’intermédiaire des rênes, ajustées par le cavalier et tendues par le cheval sous l’effet de l’impulsion »

Du coup, plus de place au doute !

Le cavalier ajuste ses rênes et il recherche à ce que le cheval tende ses rênes. Comme souvent, ce n’est pas si simple, il finit par prendre le contact en premier et l’imposer au cheval. Tout cela bien sûr en encourageant le cheval à se porter en avant.

Une réelle incohérence apparaît pour le cheval :
D’un côté, un contact voire un appui se créé entre la main du cavalier et la bouche du cheval.
Et d’un autre côté, il lui est demandé de continuer à se porter en avant alors qu’on lui a appris précédemment à s’arrêter sur les actions de mains et à avancer sur les actions de jambes.

Donc pour avoir un « contact » on apprend au cheval à ignorer la présence de la main et on bafoue complètement le principe « jambes sans main, mains sans jambes ».

Un contact bien présent

L’étape suivante pour avoir un contact parfait comme dans la définition c’est qu’il soit permanent.
Du coup, pour garder les rênes tendues en toutes circonstances, le cavalier s’il ne s’y accroche pas déjà fortement, va chercher à suivre tous les mouvements du balancier du cheval.
Il apprend ainsi à bouger ses bras, ses coudes, ses épaules et donc ses mains.

Les mains bougent d’avant en arrière et le cavalier finit par tirer sans s’en rendre compte.

Pour agir sur la bouche du cheval, le cavalier qui a pris l’habitude de bouger ses bras va donc continuer à bouger ses bras pour faire céder son cheval, pour le plier ou autre chose.
Les aides sont grossières et les actions sont fortes voire brutales manquant de précision, de progressivité et de discrétion.

Le cheval, tenu en permanence par la main fini par s’appuyer, se révolter ou s’inhiber selon son tempérament. Effectivement il est injuste pour lui de céder sans que la tension jamais ne cède surtout si elle est trop importante et inconfortable.

Alors bien sûr il peut y avoir contact sans que celui-ci soit lourd ou excessif et dans ce cas tout se passe beaucoup mieux, tout dépend du tact du cavalier.

Mais je pense qu’on ne peut ignorer cette expression qui m’est chère et qui dit « il n’y a pas besoin que les fils soient tendus pour que le courant passe ».
Autrement dit, on peut communiquer avec le cheval par l’intermédiaire des rênes sans qu’elles soient forcément tendues en permanence.

La légèreté de Baucher

Baucher, père de la légèreté, de par sa méthode permet au cavalier d’obtenir une légèreté permanente et à toutes les allures de sortes qu’il puisse être conduit avec des rênes lâches.
Mais pour en arriver là, il faut prendre en considération sa méthode dans sa globalité.

Tout d’abord, il travaille à l’arrêt dans le but d’obtenir du cheval qu’il se soutienne de lui-même sans intervention du cavalier.
Pour obtenir ces résultats il agira bien sûr sur les rênes mais lorsque l’attitude ou le mouvement apparaît, les rênes se relâchent franchement, le cheval devant se maintenir dans l’attitude dans laquelle il a été placé.

C’est là qu’est toute la différence, le cheval n’est autorisé à se trouver que dans une seule et unique attitude

Sur cette base il passe au pas, le cheval devant rester dans la même attitude soutenue et légère.
Lorsque le cheval prend l’initiative de lui-même de se relâcher ou s’il se crispe, il suffit alors de corriger à l’allure inférieure pour retrouver l’attitude et l’équilibre voulu dans la légèreté.
L’apprentissage se poursuit ainsi à toutes les allures puis dans les tournants et dans les déplacements latéraux.

Les rênes sont franchement détendues, incitant le cheval à se porter de lui-même. Elles se tendent seulement le temps de corriger un mouvement, les rênes se détendent à nouveau lorsque le cheval fait bien, signe de récompense pour lui.

En procédant ainsi, le cheval apprend l’attitude et la légèreté que l’on attend de lui en toutes circonstances.
Comme cet apprentissage débute dès le début, le jeune cheval ne prend pas de mauvaises habitudes puisque c’est la première chose qui lui est enseignée et c’est aussi l’élément sur lequel on ne transigera pas.

Avec Baucher les chevaux se déplacent dans une attitude unique et dans la légèreté aux 3 allures. Le seul moment où ils quittent cette attitude c’est dans les moments de repos marquées par l’abandon des rênes qui peuvent ponctuer une séance.

Deux méthodes incompatibles

Aujourd’hui le contact s’est imposé partout : on veut voir des rênes tendues. Et en même temps c’est rassurant, le cavalier « tient » son cheval à chaque instant au travers des rênes même si en réalité il ne contrôle rien.

La  méthode de baucher et la légèreté qui en découle, comparé à la notion de contact d’aujourd’hui sont deux notions incompatibles.

Si Baucher fait de l’équilibre, l’attitude et la légèreté, le départ de sa méthode dans la formation des chevaux.
L’équitation d’aujourd’hui commence par le mouvement en avant et après seulement viendront les assouplissements et l’équilibre.

De par cette différence, les chevaux ne sont pas formés de la même manière bien que le but final soit quasiment identique.

Dans le bauchérisme, la notion de contact n’a pas lieu d’être puisque c’est la légèreté qui est recherchée.

Autre différence conséquente c’est que Baucher travaille dans une seule attitude, celle qui permet à ses chevaux de se rassembler et de mettre à disposition toutes les forces du cheval pour son cavalier à chaque instant. La nuque le point le plus haut, l’encolure est relevée et arrondie, le chanfrein est proche de la verticale mais jamais en arrière.

A l’inverse, en équitation moderne on cherche sans cesse à modifier l’attitude du cheval pour pouvoir travailler en extension d’encolure puis varier la hauteur de nuque tout en gardant un cheval « fermé » avec le chanfrein vertical voire en arrière de la verticale.

Ces nombreuses variations de l’attitude du cheval en équitation moderne obligent donc le cavalier à avoir sans cesse un contact avec la bouche du cheval sans quoi le cheval prendrais simplement l’attitude qui lui convient et non pas celle qui est souhaitée.

Si les objectifs des cavaliers d’hier et d’aujourd’hui sont les mêmes en dressage, c’est-à-dire avoir un contrôle parfait et permanent de son cheval jusque dans les airs de Haute-Ecole. Les moyens mis en œuvre pour y parvenir ne sont pas tous les mêmes et c’est là que la différence entre le bauchérisme et l’équitation moderne est la plus flagrante.

Pour l’un, la notion de contact est indispensable et essentielle alors que la légèreté est passée sous silence la plupart du temps voire considérée comme la dernière pierre de l’édifice.

Pour l’autre, la légèreté et l’équilibre du cheval sont les bases du dressage d’un cheval tandis que le cavalier n’entre en contact avec la bouche du cheval que pour apporter des corrections ponctuelles.

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2 Responses

  1. J’ai repensé à cette article aujourd’hui, en assistant au cours particulier d’une amie avec une monitrice d’équitation classique.
    Elle lui suggérait, pour passer à l’allure supérieur, de ne pas avoir les rênes trop détendues, sans quoi le cheval risquerait de « se jeter » dans l’allure. Si je suis son propos, elle lui suggérait donc de bien tenir son cheval cheval pour ne pas qu’il se précipite, pour ne pas l’abandonner.
    Son raisonnement ne m’a pas paru idiot… et cet article non plus. Difficile de savoir sur quel pied danser…

    • Et oui ! Les deux sont dans le vrai, tout dépend comment a été dressé le cheval.
      Si du jour au lendemain, un cheval habitué au contact permanent se retrouve sans rien, c’est clair qu’on aura pas le même rendu. Et si une méthode fonctionne très bien sur un cheval, elle peut ne pas fonctionner du tout sur un autre et c’est souvent du à la manière dont le cheval a été dressé au départ.
      A ce moment là, on se retrouve face à un choix, reprendre du début et réapprendre quelque chose de nouveau à son cheval. Ou continuer à l’utiliser au maximum de ses capacités en adaptant soi-même sa façon de monter (le dilemme de ma vie ça)

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