Equitation naturelle, le bilan [Partie 1]

La mode est au naturel, et qui dit naturel dit souvent aussi éthologique. Après plusieurs années de présence en France, l’équitation éthologique et ses homologues tiennent-elles vraiment toutes leurs promesses ? Quelles sont les fondations de ces méthodes à priori révolutionnaire ? Répondent t-elles vraiment à nos attentes ?

La nécessité du « naturel »

Ces dernières années ont vu exploser les tendances dites naturelles. Une majorité de particuliers, propriétaires de chevaux ont su initier ce revirement en souhaitant offrir à leurs chevaux ce qu’il y a de mieux pour eux. La popularisation des informations concernant les équidés par internet et les magazines spécialisés qui abordent de plus en plus les sujets du comportement et de l’éthologie (science du comportement) ont permis l’expansion de cette tendance.

3886996779_56c223b79b_zPlus qu’une tendance, je pense qu’elle est progressivement devenue une nécessitée pour nous, occidentaux intégrés dans des sociétés trop coupés de la nature. Il naît inévitablement un besoin de se ressourcer et s’épanouir dans la relation avec l’animal mais pour cela il faut d’abord apprendre à comprendre et interpréter les comportements de ce dernier. De là naissent donc les différentes méthodes de dressage ou d’éducation du cheval, basées sur le comportement du cheval et qui sont donc qualifiées de « naturelles ».

Les méthodes naturelles

L’équitation éthologique

Venons-en maintenant aux méthodes en questions en commençant par l’équitation éthologique, la méthode est reconnue pour être basée sur l’étude du comportement du cheval et donne des résultats rapides et efficaces. Quels ont été les bénéfices de l’arrivée de l’équitation éthologique en Europe ?

3887797796_7bc28b9532_zD’abord, l’esprit de l’équitation éthologique a permis une ouverture de conscience générale sur les possibilités en terme de créativité et de « complicité » avec le cheval. Alors que nous étions limités jusque là au traditionnel travail à la longe puis au travail monté, nous avons maintenant connaissance d’un large panel d’exercices à pied pour améliorer le quotidien mais aussi pour s’amuser. La relation avec le cheval s’est donc davantage dissociée de la monte à cheval.

Tout le monde s’accorde à dire qu’elle est basée sur le principe confort-inconfort, c’est-à-dire que l’on rend la position du cheval inconfortable jusqu’à obtenir le mouvement souhaité. On donne le confort dès obtention du mouvement recherché : la cessation de la pression inconfortable constitue en elle-même déjà une source de confort mais il est possible de renforcer positivement cet effet avec une récompense. Qu’en est-il alors de l’équitation basée sur le renforcement positif ?

Le renforcement positif

La différence avec l’équitation éthologique est en fait minime dans les principes, ici on refuse toute forme de pression et d’inconfort et la récompense passe au premier rang. Le cheval s’exécute en vue d’obtenir une récompense. Pour le clicker training c’est la même chose mais l’on ajoute en plus l’utilisation du clicker qui est censé améliorer la précision des demandes du dresseur (ce dont je doute étant donné l’incroyable capacité du cheval à se déconcentrer).

En pratique, si l’on s’arrête effectivement sur la notion de confort / inconfort, on ne peut pas dire que l’équitation par renforcement positif en soit totalement dépourvue. Pourquoi ? Parce que pour qu’il n’y ait pas d’inconfort chez le cheval il faut qu’il n’y ait pas de contraintes et aucune influence négative de la part du dresseur.

Back Out!Sachant qu’un geste un peu vif peut être mal interprété par le cheval, la tâche se complique donc encore davantage. Je ne dis pas que cela n’est pas possible mais effectivement c’est une méthode longue et rigoureuse. Il faut penser aussi au travail monté ainsi qu’au matériel et aux aides utilisées qui consistent en elle-même un inconfort (montez sur un cheval complètement sauvage et serrez les jambes vous verrez avec quelle agilité il vous tapera dans les chevilles avec ses postérieurs si vous n’êtes pas éjectés d’ici là). Même pour les adeptes de la monte sans mors il faut rappeler qu’un side-pull, un licol éthologique ou un hackamore agissent sur le chanfrein du cheval qui, tout comme la bouche, est fortement innervée et est donc une zone aussi sensible que la bouche.

Je pense que vouloir refuser totalement la notion d’inconfort n’est pas possible. Malgré nous, nous utiliserons un peu d’inconfort pour influencer le cheval dans le sens que nous souhaitons et le récompenser ensuite. La vraie bonne initiative de la méthode par renforcement positif est la proportion entre confort et inconfort qui penchera toujours du côté confortable et donc récompenses. En équitation éthologique la proportion de confort n’est pas clairement exprimée par rapport à l’inconfort exercé. Certains dresseurs n’ont aucun scrupule à employer l’équitation éthologique en utilisant abusivement l’inconfort quel qu’il soit alors qu’ils obtiendraient les mêmes résultats en privilégiant la récompense.

Le cheval se soumet malgré lui

Je viens vers toi parce que je ne peux pas m'échapper (join-up)

Je viens vers toi parce que je ne peux pas m’échapper (join-up)

Les objectifs des deux méthodes connues pour être les plus naturelles à savoir l’équitation éthologique et le renforcement positif sont communs : obtenir la coopération du cheval par chantage. En fait dans ces méthodes on a l’impression de laisser un choix au cheval qui finalement n’en est pas un pour lui, je m’explique…

D’abord, pour en arriver là il est isolé, enfermé, chassé et contenu dans un environnement souvent inconnu et jugé hostile. Ensuite parce que les choix proposés vont du pire au moins pire, le cheval se comporte comme une proie traquée par un prédateur et capitule en faisant face à ce dernier : la pression morale du dresseur sur le cheval est intense. Cela est d’autant plus visible au début du dressage du cheval. Au fur et à mesure que le cheval gagne en dressage, le dresseur obtient plus facilement sa coopération sans utiliser de force car celui-ci a alors renoncé à sa liberté.

Dans le cas de chevaux au fort tempérament, le renoncement n’est pas total et à la moindre occasion les conflits surviennent avec le cavalier propriétaire. Le cheval se révolte alors contre l’autorité et l’injustice qu’il subit. Le propriétaire ne comprend pas pourquoi tout allait bien la veille alors que rien ne va plus aujourd’hui. Ce sont ces chevaux que l’on qualifie par la suite de chevaux difficiles ou même dangereux. Une main forte et autoritaire parvient à annihiler la rébellion ou à en camoufler les signes extérieurs.

Avec ces méthodes, on nous vend du rêve en faisant croire que c’est la bonne volonté du cheval, la compréhension mutuelle, etc… qui donne de tels résultats. Parfois c’est le cas parce que le dresseur a su instaurer une relation particulière avec son cheval.

Comment savoir si le cheval aime être avec nous ?

Le plus simple est de lâcher le cheval en liberté dans un grand espace ou dans son pré et vous aurez immédiatement la réponse à cette question.

Et s’il choisit de rester avec vous, demandez-vous s’il le fait dans le but d’obtenir quelque chose en échange comme l’absence d’inconfort s’il décidait de partir ou la friandise s’il reste.

Je pense qu’il est important de ne pas se voiler la face et d’accepter aussi que de la même manière qu’on travaille 5 jours par semaine pour gagner de l’argent, on monte à cheval pour son propre plaisir avant tout.

Ce serait vous mentir à vous-même de vous faire croire que vous le montez pour son bien à lui, ce qui ne veut pas dire pour autant que ça le fait souffrir (tout comme tout le monde ne souffre pas d’aller au travail, certains individus aiment leur travail).

En tenant compte de ça, vous pouvez décider de ce que vous voulez faire maintenant. Pour ma part, j’assume cette envie de performance que j’ai mais c’est important pour moi de faire en sorte d’avoir des chevaux qui aiment leur travail parce qu’il est raisonnable et qu’il a du sens.

Lire la suite : Equitation naturelle, perspectives d’avenir


Mis à jour le 16/02/2021

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7 Responses

  1. du bon sens enfin et merci ! déjà l’accroche sur Horselaot avec « le licol qui fait mal et un stick » me laissait présager un bon article critique, je ne suis pas déçue ! sans diaboliser la méthode, ouvrons les yeux ce n’est pas le paradis ! du moment qu’il y a équitation de toute façon il n’y a rien de naturel.
    j’aime citer Andy Booth  » on parle d’équitation naturelle mais il n’y a rien de naturel à prendre la peau d’une bête morte pour la mettre sur le dos d’un cheval pour qu’une autre espèce puisse monter dessus »

  2. Merci pour cet article! Équitation éthologique, travail éthologique, dans la complicité, mais bien sûr… Un cheval conditionné, inexpressif voire râleur, c’est tout ce que j’ai pu observer. Je préfère laisser le mien proposer des choses, se tromper, l’avoir avec moi, et pas sous mon emprise. Il obéira moins au doigt et à l’oeil, mais quelle importance s’il est épanoui?

  3. Bonjour Alexandrine,

    Sujet pas facile et ouvert au débat

    Il faudrait peut être y voir une équitation plus proche de la biomécanique du cheval et de sa compréhension. Si on oppose l’équitation classique à l’équitation « éthologique » laquelle sera la plus naturelle ?

    Mais on pourrait aussi se poser la question de la place du cheval dans notre société et ses différentes formes de dressage. du cheval de guerre au cheval de sport son utilité a changé, ce qu’on lui demande aussi. L’équitation éthologie trouve sa source avec les grandes maitres comme Nuno Oliveira ….qui ont toujours encouragés la recherche d’une équitation plus respectueuse.

    Tout comme nous, le retour aux fondamentaux et à la nature (mangez bio) fait son petit bout de chemin.

    Et une petite citation de Nuno : « Faites du cheval un compagnon et non un esclave, vous verrez quel ami extraordinaire il est. »

    +

    • Hello Fabien !

      Il est difficile de comparer les équitations entre elles puisqu’avec elles il y a aussi une multitude de pratiques à différents degrés. Un adepte de l’équitation éthologique peut s’avérer plus violent qu’un pratiquant d’équitation classique et inversement. Les deux existent.
      Il faut regarder le côté naturel et respect de l’animal davantage dans nos pratiques quotidiennes et pas forcément dans une méthode.

      Je vais approfondir dans le prochain article ma vision d’une équitation digne d’être appelée « naturelle »

  4. Bien qu’adepte d’équitation dite éthologique, je comprends le point de vue exposé dans cet article et il a la qualité de me faire réfléchir. Je pense cependant que certains traits sont incroyablement grossis pour servir ce but. Présenter le join up comme une soumission d’un cheval « qui ne peut pas s’échapper », c’est un peu hâtif. Cette technique a bien des défauts, comme toutes celles que l’on applique aux chevaux, mais elle résulte d’une observation en profondeur de la structure d’un troupeau de chevaux en liberté. Le principe du join up n’est pas de communiquer avec le cheval en se plaçant en prédateur, mais en se mettant à la place de la jument dominante qui écarte le jeune du troupeau.
    J’adhère à la conclusion de l’article, j’adhère à son principe (nous faire réfléchir sur les techniques alternatives), mais mon expérience de jeune vétérinaire et de cavalière passionnée est tout de même légèrement en désaccord avec les conclusions tirées.

  5. Merci pour cet article qui alimente mes propres réflexions.
    Je réagis car je suis désolée des comparaisons rapides faites entre les équitations dites classiques et les « nouvelles mouvances », dont l’équitation naturelle. Si on revient aux fondamentaux, elles ne sont pas si éloignées.
    D’ailleurs, l’équitation naturelle existe t’elle ? Les définitions des deux termes s’opposent déjà. Naturel désignant tout ce qui n’est pas le produit d’une pratique humaine…. ce qui laisse entendre du coup, que l’humain ne fait pas partie de la nature … mais c’est un autre sujet ^^

    Il n’est pas naturel pour un cheval d’avoir un cavalier sur son dos.
    Il n’est d’ailleurs pas « conçu » pour ça.
    Les pratiques équestres (de tout temps et de tous pays) se sont développées en tâchant de palier ce défaut : en trouvant des outils mieux adaptés (au dos du cheval et au cul du cavalier aussi soyons honnête), en recherchant des exercices pour favoriser la musculature, la souplesse et donc la portance. C’est finalement un point commun entre toutes les équitations, avec c’est vrai plus ou moins de force, de finesse, de douceur, d’élégance …

    Mais, restons honnêtes toujours, il est naturel pour le cheval d’obéir au dominant.
    et, le cavalier, à pied ou à cheval est dans cette position. Certains adopteront une position de « prédation », d’autres l’attitude du chef de troupeau (je pense que la deuxième attitude est plus constructive d’un point de vue relationnel, même si la première a peut être été à l’origine de l’équitation…. ? ).
    Mais du moment où on est avec son cheval pour lui faire faire des mouvements qu’il n’a pas choisi, ne nous voilons pas la face, on est le dominant.
    Ce qui nous donne une lourde responsabilité vis à vis de lui. Dans un troupeau, le dominant protège, il veille, il conduit vers les meilleurs espaces, il fait régner la hiérarchie. Avec parfois des mouvements que nous humains pouvons trouver violents (pincements, ruades, grognements…), car nous les interprétons à notre échelle d’humain.
    Mais la nature est violente.
    Attention, je ne veux pas dire que cela justifie la violence dans notre relation avec le cheval. Car dans leur langage quotidien, les chevaux utilisent une multitude de signaux plus simples, plus doux (et précis). La violence intervient quand on arrive au bout d’un échange insoluble, à l’extrême, à la confrontation.
    De même, se mettre dans une position de chef de groupe ne veut pas dire se transformer en cheval, car vous n’allez pas tolérer/supporter/résister longtemps que votre compagnon se comporte avec vous comme avec les autres chevaux.

    Enfin simplement pour dire qu’il n’y aura jamais de relation plus naturelle entre en homme et un cheval que celle d’aller simplement le regarder dans son environnement, avec ses congénères, sans rien lui demander et voir ce qui pourrait bien se produire. C’est certainement dans ces moments là qu’on obtient les réactions les plus justes, même si elles peuvent blesser l’amour propre ^^.
    Notre plus grand défaut est de vouloir humaniser nos chevaux. Cela nous rassure face à leur « silence ». Nous conforte dans notre manière de les traiter. Nous met du baume au cœur. Cela nous permet de répondre rapidement à la question : est-il bien ?
    Posons nous tous les jours cette question, dans le travail à pied, monté, au box, au pré, dans la détente etc et tâchons à chaque fois d’y trouver une réponse. Et si elle est négative, d’en tirer les conclusions.

    Désolée pour la diatribe que je voulais concise.

    Merci encore pour ce site, bien documenté, bien écrit et ouvert d’esprit !

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