Le confort du cheval au travail est une notion indispensable pour le respect de son bien-être. Mais cette notion de confort ne doit pas se limiter à son environnement ou à la contrainte physique. On a tendance à penser que le cheval n’est confortable que lorsque nous ne lui demandons rien. Cette croyance vient en réalité essentiellement de notre société et de la manière dont nous avons associé le travail dans notre vie.
La notion de travail chez l’homme VS chez le cheval
Le mot travail apparaît dans notre vocabulaire dès l’enfance, parce que nos parents vont au travail la journée, parce qu’ils demandent à leur enfant s’il a bien travaillé à l’école aujourd’hui ou s’il a bien fait ses devoirs (encore un mot détourné pour parler de travail). Très tôt nous apprenons donc qu’à l’école il faut travailler pour avoir une chance d’avoir ensuite un bon travail plus tard.
Arrivé à l’âge adulte, nous travaillerons pour la majorité d’entre nous, tous les jours jusqu’à la retraire pour obtenir un salaire qui nous permettra de nous loger, de manger et d’avoir quelques loisirs. Mais nous avons aussi appris que travailler était une contrainte.
La notion de travail du point de vue de l’homme est globalement connotée négativement. C’est quelque chose de difficile et de désagréable.
Ce qui vient en opposition à la notion de travail c’est le repos, l’absence d’activité, l’oisiveté, la détente.
Avec cette vision connotée du travail désagréable et du repos confortable nous envisageons les choses avec le même état d’esprit pour le cheval. Mais en est-il réellement de même ?
Alors que nous passons la majeure partie de notre journée à travailler dur quand nous voudrions plutôt être en vacances, le cheval lui passe son temps essentiellement à manger, dormir et marcher quand il en a la possibilité.
Quand nous arrivons pour nous occuper de lui, nous allons passer en moyenne 3h avec lui, à le brosser, lui faire des soins, le câliner et puis lui faire faire de l’exercice.
Déjà en termes de temps, les proportions sont inversées donc comment penser que le cheval qui nous voit arriver peut imaginer voir le travail arriver aussi ?
Et si votre venue était vécue comme une distraction par votre cheval dans son quotidien monotone ?
Malgré cela, si un cavalier arrive à l’écurie avec la croyance que le cheval a besoin de faire de l’exercice physique, qu’il doit progresser, avoir plus de cardio, être plus souple, moins dissymétrique… Alors il va imposer une séance de travail peut-être un peu longue, un peu dure…
Le souci c’est qu’il va rencontrer des résistances de la part du cheval et il dira « il veut pas bosser », l’encourageant encore plus à forcer ses aides pour obtenir les choses. Cette idée vient du fait que nous ne voulons pas travailler alors pourquoi le cheval le voudrait ?
Et forcément si ce cavalier impose un certain nombre de contraintes physiques, que le cheval résiste et que le cavalier force parce que le cheval ne veut pas bosser, forcément, il n’aura pas envie de faire davantage d’efforts. Effectivement le cheval ne veut pas travailler cette fois-ci mais c’est uniquement du fait du cavalier qui l’aura provoqué par son attitude en créant des conditions de travail trop difficiles, trop désagréables ou incompréhensibles.
Aussi il n’y a pas de chevaux difficiles, il n’y a que des chevaux incompris.
Faire du sport c’est dur, l’équitation aussi
La connotation péjorative du travail a encore trop tendance à se répercuter sur le cheval lorsque vous envisagez l’équitation comme un sport et que vous acceptez comme normal que ce soit difficile et pour vous et pour lui.
Effectivement, faire du sport, se muscler, faire du cardio c’est difficile et ça demande un effort. Mais quand vous impliquez un autre être vivant là-dedans faites en sorte de devenir un manager encourageant et non un tyran.
Faire du sport c’est dur, c’est de la transpiration mais la marche c’est aussi du sport et pourtant ça ne semble pas aussi difficile que de courir un marathon. Alors il peut être bon aussi de recentrer vos objectifs, si vous n’avez pas l’ambition de faire des courses d’endurance, n’imposez pas 45 minutes de trotting entre deux séances de mountain trail.
Je trouve normal que l’équitation puisse être dure physiquement pour le cavalier, je trouve injuste qu’elle le soit systématiquement pour le cheval.
Si chaque fois que vous travaillez votre cheval, vous lui imposez des choses dures, des exercices complexes, que vous le faites transpirer à grosses gouttes… Quelle association va-t-il faire de vous ?
Trouvez-vous normal que ce soit douloureux pour lui de travailler ? Le fait de faire du sport justifie-t-il cela ? N’y a-t-il pas une manière plus progressive et moins violente pour muscler votre cheval ?
Comment faire en sorte que le cheval aime travailler ?
En général il suffit d’être un peu observateur pour se rendre compte de la manière dont vous êtes perçu par votre cheval et si l’accueil est plutôt jovial, indifférent ou fuyant. Et cela vous donne une indication sur la manière dont vous devez vous comporter pour changer cela.
Le premier pilier pour opérer ce changement se situe au niveau de la relation que vous entretenez avec lui, il s’agit de l’écoute.
Vous avez pris l’habitude de demander à votre cheval mais jamais de l’écouter vraiment. Pas juste souffler quand vous le voyez avoir peur du voisin qui ferme ses volets ou tirer la longe pour attraper une touffe d’herbe.
Une fois que vous commencez à écouter réellement vous allez pouvoir comprendre aussi ce qu’il se cache derrière ses comportements. Des ajustements à faire dans les conditions de vie, des mauvais souvenirs liés à un endroit, un évènement inhabituel… Les hypothèses peuvent être multiples.
L’écoute et la compréhension vous aideront à développer votre relation avec votre cheval et d’y apporter plus de réciprocité, vous ne serez pas toujours celui qui prend mais aussi celui qui donne et qui comble les besoins de votre cheval. C’est quelque chose qui demande aussi tout un apprentissage en parallèle de l’équitation.
Pour en revenir à l’équitation en elle-même, la notion essentielle à comprendre c’est de faire en sorte que le cheval prenne du plaisir dans le processus. Pas avant, ni après mais pendant. La pomme que vous donnez après avoir dessellé ne vous aidera pas vraiment à améliorer les choses.
Pour qu’il puisse y avoir du plaisir, il y a quelques ingrédients à retrouver :
- Il faut d’abord que la demande soit claire et comprise par le cheval
- Il faut ensuite que le cheval puisse s’exprimer, essayer, se tromper sans conséquences et sans que cela ne suscite d’émotions de votre part : l’apprentissage se fait par essai / erreurs.
- Il faut que vous soyez en mesure de faire comprendre à votre cheval quand il fait bien afin qu’il puisse reproduire le résultat souhaité et apprendre plus vite
- Pour cela il faut comprendre ce qui motive le plus votre cheval, pour certains ce sera la friandise, pour d’autres ce sera l’immobilité et l’absence totale d’activité. Et en utilisant ces leviers là vous pourrez renforcer un comportement et avoir plus de clarté sur vos demandes.
- Faites aussi preuve d’enthousiasme pendant vos séances, c’est communicatif et ça donnera envie à votre cheval de se dépasser pour vous faire plaisir.
- Faites des pauses régulièrement et récompensez dès que votre cheval fait quelque chose de mieux que d’habitude.
C’est principalement en aménageant la manière dont vous travaillez votre cheval pendant la séance que vous rendrez cette activité plus agréable pour lui. Il y trouvera rapidement du sens surtout si vos demandes sont claires, il sera motivé à vous répondre s’il sait qu’il sera récompensé et ça lui donnera envie de proposer des choses qui vous font plaisir.
La croyance humaine comme quoi tout travail est forcément difficile et contraignant nous empêche de voir l’équitation autrement que sous le prisme du sport et de la nécessaire douleur pour progresser. Pourtant, vous n’aurez pas besoin de faire souffrir votre cheval physiquement si vous voulez simplement faire du loisir. Les seuls chevaux qui se voient imposer autant de douleur physique dans leur entraînement ce sont les chevaux de courses.
Développez votre relation avec votre cheval pour équilibrer entre ce que vous lui prenez (demandez sans son consentement) et ce que vous lui apportez. Mais pour réussir vous devez comprendre que vous ne pouvez pas lui apporter ce que vous avez envie mais uniquement ce dont il a réellement besoin et ça, ça demande une grande capacité d’écoute et d’empathie.
Reconsidérez le travail autrement pour votre cheval et voyez-le comme de simples exercices nécessitant avant tout un niveau suffisant de compréhension. Faites en sorte que votre cheval apprécie ces exercices en les rendant plus clairs, avec un début et une fin (pas tourner 105 fois pendant une heure) et en récompensant.
2 Responses
Magnifique article ! Je suis enseignante et je suis convaincue que pour les chevaux , comme pour les enfants, il faut proposer des activités variées , motivées et motivantes, bien pensées et en accord avec leurs besoins et leurs capacités! Les bons résultats ne s’ obtiennent que dans la joie et l’ envie de bien faire! Vive le plaisir d’ apprendre!
Je suis tout à fait d’accord avec votre point de vue.
Nous connaissons la mentalité des cavaliers de concours hippique qui ne laissent jamais leurs chevaux au pré de peur qu’ils ne se blessent.
Les pauvres bêtes sont enfermés et ne sortent que pour travailler.
C’est pourquoi la moindre balade en forêt et c’est la cata!!!!