L’équitation est un sport riche en émotions et parmi elles, se trouve la peur dont on avait déjà parlé mais il y a aussi la colère. Je voulais parler de cette émotion là en particulier car je pense que c’est celle qui fait certainement le plus de dégâts.
Selon le tempérament du cavalier, certains ressentent de la colère plus souvent que d’autres. Nous allons voir ensemble ce qui peut mener à ce genre de situations et les questions à vous poser si cela vous arrive encore.
Les conséquences de la colère
Tout d’abord, il est important que vous vous rendiez compte à quel point cette émotion peut être nocive pour tout le monde. C’est la première étape de votre introspection pour la comprendre puis faire en sorte que ce genre de choses ne se reproduise plus.
Comme n’importe quelle émotion, la colère va changer la façon dont vous percevez une situation. Vous allez réagir à cette émotion par des actes et des décisions parfois regrettables simplement parce qu’en étant sous l’influence de cette émotion, vous ne serez plus raisonnable, ni objectif et vous ne serez pas en mesure de réfléchir posément aux évènements qui viennent de se dérouler.
En colère contre le cheval
Il n’est pas toujours facile de se forcer à arrêter, de se contenir car sous l’emprise de la colère, vous êtes stimulés et vous n’avez qu’une envie : passer à l’action et en découdre.
C’est généralement à ce moment là que vous vous retrouvez à avoir des réactions et des gestes déplacés envers votre cheval.
Le cheval sert souvent le bouc-émissaire dans ce genre de situation et vous comprenez bien que ça ne sera pas sans conséquences car votre colère peut causer de la douleur non seulement physique mais aussi morale. Vous risquez de perdre la confiance de votre cheval et d’autant plus si celui-ci est particulièrement sensible. Sans parler de vos regrets par rapport à ça après coup et de l’image que vous renvoyez à vous-même et aux autres.
Est-ce que vous êtes vraiment ce genre de cavalier maltraitant ?
En colère contre vous-même
Vous commencez à être en colère contre vous-même, soit après avoir été en colère après votre cheval, soit directement après vous-même car vous avez conscience que votre cheval n’y est pour rien.
Comme toutes les émotions, la colère n’est pas mauvaise à partir du moment où elle peut s’exprimer, s’extérioriser puis disparaître. Contenir une émotion n’est jamais une bonne solution car, n’ayant pas pu s’exprimer, elle s’en trouvera alors amplifiée.
Ce qui est important si vous ressentez de la colère à propos de vous-même, c’est de pouvoir utiliser l’énergie générée par cette colère à votre service. Logiquement, vous avez envie de passer à l’action et d’être combatif quand vous êtes en colère.
Et si vous utilisiez cette énergie là pour trouver activement une solution ?
Cela donnerait un sens à votre colère et vous pourriez en même temps l’apaiser par la recherche active d’une solution.
En colère contre les autres
Être en colère contre les autres n’est qu’une variante des deux premiers. Ce qui est le plus frustrant avec celle-ci, c’est que vous ne pouvez pas toujours vous en prendre aux autres directement et ce n’est d’ailleurs pas souhaitable. Alors il est difficile d’apaiser cette colère qui peut vite se transformer en rancoeur puis en haine.
Ce que ça démontre également c’est qu’être en colère contre les autres est aussi un moyen très efficace pour ne pas se regarder en face et ne pas se remettre en question.
Bien souvent, vous faites exactement ce dont vous accusez les autres même si ce n’est pas tout à fait dans les mêmes domaines.
Allons un peu plus en profondeur pour comprendre sur quoi repose cette colère et comment faire en sortes qu’elle ne s’exprime plus au détriment du cheval.
Comment la colère apparaît-elle ?
La colère c’est le refus d’accepter la situation telle qu’elle est réellement.
Pour ne pas avoir à faire ce travail d’acceptation, vous allez chercher un fautif et votre colère va se reporter sur celui qui d’après vous est le déclencheur de cette situation qui ne se déroule pas comme vous l’auriez voulu. Bien souvent, c’est le cheval qui devient le fautif mais dans certains cas ça peut être aussi vous-même, le voisin qui a démarré la tondeuse, les oiseaux qui font du bruit dans la haie ou le coach qui est nul.
Votre colère témoigne d’une grande rigidité dans votre état d’esprit et de la difficulté à vous adapter aux situations telles qu’elles se présentent.
La colère est mise en évidence dans différents types de situations :
- Vous prenez quelque chose comme un acquis : un exercice, un trait de caractère ou une habitude de votre cheval. Le jour où cela ne se produit pas comme vous l’attendiez, ça vous met en colère.
Il est passé devant ce pot de fleur hier sans le regarder et aujourd’hui, impossible de s’en approcher - Vous avez une grande confiance et certitude dans vos compétences et méthodes en tant que cavalier. Vous ne savez pas remettre en question votre pratique quand ça ne fonctionne pas et vous vous énervez.
Je sais parfaitement faire cet exercice mais aujourd’hui, impossible d’en tirer quoi que ce soit - Vous étiez déjà de mauvaise humeur en arrivant à l’écurie. Au lieu d’en tenir compte et de privilégier une séance de longe par exemple, vous avez décidé de monter quand même et vous avez fait une mauvaise séance durant laquelle vous vous êtes énervé.
J’avais prévu une séance de plat sur les barres au sol et je pensais que ça me changerait les idées de monter - Vos objectifs sont élevés et l’enjeu est important car vous souhaitez vraiment les atteindre, il vous arrive alors d’être impatient et de forcer les choses pour que ça avance plus vite.
Je m’énerve quand je ne parviens pas à réussir un exercice ni à me faire comprendre - Vous ne comprenez pas les réactions et difficultés de votre cheval, vous ne trouvez pas d’explication logique et il y a quelque chose qui vous échappe.
Il connaît cet exercice par coeur mais aujourd’hui impossible de le faire correctement - Votre cheval ne comprend pas ce que vous voulez et donc vous n’obtenez pas le résultat attendu.
Il ne comprend pas alors ça m’énerve et au plus je m’énerve, au moins il comprend - Vous êtes d’un naturel impatient et colérique, vous n’avez pas encore les compétences et la sagesse pour décomposer une progression en petites étapes plus faciles. Il faut faire preuve d’humilité et accepter de vous faire accompagner pour éviter les débordements de votre tempérament de feu.
Je sais que je n’ai aucune patience
Avec les chevaux, rien ne se passe jamais comme prévu et il y a toujours quelque chose qui va venir contrarier vos projets et qui ne va pas se dérouler tout à fait de la manière dont vous l’aviez imaginé.
La clé est de savoir vous adapter à la situation telle qu’elle se présente et l’utiliser à votre avantage pour travailler sur la peur ou sur la concentration de votre cheval plutôt que de vous agacer dans votre coin. Ça aura l’avantage de vous permettre de faire une bonne séance même si les conditions sont difficiles et ce sera l’occasion pour votre cheval de gagner en maturité dans son travail.
Changer de point de vue et faire preuve d’empathie
Quand la colère est déclenchée, il est extrêmement difficile de faire quoi que ce soit pour l’apaiser. La meilleure chose à faire est de faire autre chose le temps que l’émotion redescende d’elle-même.
Ce n’est qu’une fois que la situation est passée et que vous commencez à prendre du recul que vous pourrez agir dessus. La stratégie à adopter étant plutôt de chercher à faire en sorte que cela ne se produise plus, plutôt que de vouloir vous forcer à ne pas être en colère, ce qui peut s’avérer contre productif.
Maintenant que vous revoyez la situation telle qu’elle s’est produite avec plus de recul, vous êtes certainement triste ou en colère contre vous-même d’avoir agit de cette manière et vous trouvez cela injuste pour votre cheval qui n’avait pas mérité cela.
Voici une idée de réflexions à faire sur vous-même pour bien comprendre l’origine de cette colère et mettre en place ce qui vous permettrait de ne plus voir cette situation se reproduire.
1 – Avoir conscience de vos objectifs en équitation et leur donner un cadre éthique
Bien souvent, la colère est aussi en lien avec vos objectifs et vos rêves équestres. Ce sont eux qui vous poussent à monter régulièrement et à vous entraîner tout simplement.
Mais c’est aussi à cause d’eux que vous pouvez vous sentir frustré quand ça n’avance pas comme vous le souhaiteriez. Vous vivez les évènements comme s’ils étaient des obstacles à l’accomplissement de vos objectifs et de vos rêves. Et vous vous mettez en colère car vous ne voulez pas accepter leur présence à ce moment là.
En repensant à vos objectifs et à vos rêves, vous pouvez vous rendre compte objectivement en quoi vous vous êtes senti bloqué et frustré dans votre progression par ces évènements là qui vous ont mis en colère.
Avoir des objectifs c’est bien pour savoir dans quelle direction avancer. Mais il faut aussi apprendre à leur mettre un cadre éthique, un contexte et des limites pour justement éviter de tomber dans l’abus.
Est-ce que ça vaut le coup d’atteindre mon objectif si j’agis de cette manière ?
Quelles sont les limites que je me fixe pour atteindre mon objectif de façon éthique ?
Qu’est-ce que je m’autorise à faire et qu’est-ce que je m’interdis de faire en lien avec cet objectif ?
Atteindre mon objectif a-t-il la même valeur si je dépasse le cadre éthique que je me suis fixé ?
2 – Quelles sont les conséquences si vous ne faites rien pour changer ça
En vous rappelant ce que la colère peut vous amener à faire voire même en vous mettant à la place de votre cheval, vous pourrez saisir l’ampleur des dégâts que cela peut causer et prendre conscience d’à quel point cela vous éloigne de votre cheval et de vos envies.
Vous ne pouvez pas développer un lien spécial avec votre cheval si vos réactions sont violentes et imprévisibles.
Et que va-t-il se passer à long terme si vous continuez comme ça ?
Vous atteindrez peut-être votre objectif, mais à quel prix ?
Qu’est-ce que ça va coûter pour votre cheval ?
Comment vous allez pouvoir vivre avec ça ?
Comment vous allez pouvoir le regarder après votre séance ?
Et surtout est-ce que ça vaut le coup de continuer comme ça ?
Ces questionnements vont vous permettre de comprendre l’urgence de la situation pour pouvoir en changer véritablement afin que cela ne se reproduise plus.
3 – Qu’est-ce qui déclenche la colère ?
Maintenant que vous avez conscience de ce que vous êtes prêt à faire et ce que vous ne voulez pas faire pour atteindre vos objectifs avec votre cheval, il va falloir chercher à comprendre la source de frustration qui déclenche la colère chez vous.
Si vous êtes en colère, c’est parce que d’une certaine façon, vous percevez la situation comme quelque chose qui vous empêche d’atteindre votre objectif.
Comme vous avez pris du recul et que vous n’êtes plus en colère, vous allez pouvoir y songer avec plus de discernement.
Est-ce que l’évènement qui vous a mis en colère est vraiment quelque chose qui objectivement, vous empêche d’atteindre votre objectif ?
La réponse est toujours non car pour atteindre un objectif, on doit passer par une étape de transformation. Ces étapes seront toutes différentes selon le cavalier et selon le cheval.
Même si à priori cet évènement ne semblait pas en lien direct avec votre objectif car il concernait par exemple la peur de votre cheval ou ses difficultés de concentration. Si vous voulez atteindre votre objectif avec CE cheval, il faudra obligatoirement gérer ces comportement pour travailler plus efficacement vers votre objectif.
Ce qu’il s’est passé a simplement mis en lumière une lacune à combler et une opportunité pour vous de travailler un nouvel aspect chez vous ou chez votre cheval.
Parfois, vous ne trouvez pas de réponses à vos interrogations car vous ne parvenez pas à faire certains exercices, vous n’arrivez pas à vous faire comprendre de votre cheval. Vous savez que vous ne pouvez pas remettre en doute sa volonté de bien faire mais malgré tout vous n’arrivez pas à progresser.
Là aussi, il faut prendre conscience que l’apprentissage est un processus qui demande du temps, de la répétition. C’est normal de ne pas y arriver à chaque fois, c’est normal de ne pas savoir quand est-ce que vous y parviendrez enfin.
Ce qui n’est pas normal, c’est de ne pas se remettre en question quand le cheval ne comprend pas la demande car le seul facteur limitant en équitation c’est le cavalier, jamais le cheval.
4 – Définir l’attitude à adopter dans ce genre de situation
Après avoir analysé ce qui vous frustre et qui a tendance à vous mettre en colère, vous comprenez qu’il y avait de votre part une mauvaise interprétation des faits et certainement aussi de l’impatience, de l’incompréhension et des difficultés à vous remettre en question qui vous ont poussé à vous mettre en colère.
Comprendre que votre raisonnement est faux et injuste dans ce genre de situation, c’est bien mais ce n’est pas suffisant si vous voulez que cela ne se reproduise plus.
Pour que vraiment cela n’arrive plus jamais, il faut aller encore plus loin en cherchant concrètement dans vos actions et votre état d’esprit, ce que vous pourriez changer.
Pour vous donner un exemple, si vous avez tendance à avoir du mal à adapter le programme de votre séance aux besoins de votre cheval et que vous êtes frustré de devoir reprendre un exercice tout simple parce qu’aujourd’hui votre cheval n’est pas disposé à l’exécuter correctement. Vous pourriez par exemple décider de ne plus prévoir vos séances à l’avance. Vous avez une idée des thèmes que vous voulez aborder dans les semaines à venir, mais vous ne préparez pas de programme, vous attendez d’avoir fini la détente pour décider du programme et l’adapter réellement en fonction des besoins de votre cheval. De cette manière, vous ne serez plus contrarié si jamais l’humeur de votre cheval ne vous permettait pas de travailler sur ce que vous aviez prévu initialement.
Autre exemple, si votre cheval ne comprend pas une demande ou qu’il exécute mal un exercice dont il a l’habitude. Il peut être utile de commencer par vous souvenir que c’est un être vivant et qu’il ne peut pas exécuter l’exercice mécaniquement de la même manière tous les jours. Peut-être qu’aujourd’hui il a des courbatures ou qu’il a du mal à se décontracter. Peut-être aussi que c’est vous qui n’êtes pas comme d’habitude, vous ne vous en rendez pas forcément compte mais si vous êtes plus raide que d’habitude, que vous n’êtes plus symétrique dans vos aides alors vos demandes deviennent confuses pour le cheval qui ne les comprend plus. Dans tous les cas, si ça ne fonctionne pas cette fois-ci, c’est qu’il y a forcément quelque chose qui n’est pas comme d’habitude et il faut encore du travail et de la patience pour confirmer cet exercice.
A vous de réfléchir aux solutions que vous pouvez mettre en place à votre échelle pour justement vous mettre dans une situation dans laquelle vous ne pouvez pas être frustré et en colère. Même si cela nécessite de vous faire aider par un coach pour mieux vous faire comprendre de votre cheval et construire vos séances avec des étapes plus progressives et abordables par rapport à votre niveau et celui de votre cheval.
5 – Tester pour faire en sorte que ça ne se produise plus
La dernière étape consiste bien sûr à prendre des décisions sur ce que vous allez faire pour ne plus vous mettre en colère.
Il peut s’agir simplement de vous souvenir que votre cheval n’est qu’un cheval qui a comme tous les autres, tendance à se déconcentrer quand il y a de l’agitation et peut avoir peur de tout un tas de choses même s’il les a déjà vues. Ce genre de réflexion permet de vous rappeler que le cheval subit ses propres instincts, que vous devez comme tout le monde en tenir compte et que ça ne vous empêchera pas de parvenir à votre objectif à long terme.
Vous pouvez aussi décider de vous faire aider d’un coach si vous avez du mal à gérer votre frustration liée aux apprentissages et si vous avez des difficultés à vous faire comprendre et à être compris par votre cheval.
L’essentiel à ce stade là est d’identifier ce que vous allez mettre en place pour ne plus être en colère en tenant compte de vos expériences passées, de votre état d’esprit, de ce qui vous met en colère et de ce qui vous aide à désamorcer cette émotion.
Vous pouvez vous rappeler de vos objectifs et de la manière dont vous voulez qu’ils soient atteint. La remise en question est essentielle pour être en mesure d’adapter le programme de vos séances et d’en tirer toujours quelque chose de positif même si vous n’avez pas l’impression que cela soit en lien direct avec votre objectif.
La colère est une émotion qui peut vous pousser à faire des choses regrettables et bien souvent c’est aussi le signe que vous ne voulez pas accepter la situation telle qu’elle se présente. Vous comprenez bien que ce genre de fonctionnement ralentira votre progression plus qu’autre chose car sous le coup de la colère, vous ferez certainement une mauvaise séance.
Si effectivement les choses ne se passent pas comme vous l’aviez prévu, au lieu d’être en colère et de vous sentir freiné par cette situation, si vous l’utilisiez à votre avantage pour corriger ce qui doit l’être à cet instant. Ça peut être un exercice difficile et qui nécessite de revoir des choses que vous pensiez acquises ou encore travailler sur le peur ou la concentration de votre cheval ce qui vous permettra de mieux le connaître et de pouvoir gérer plus facilement puis diminuer cette tendance chez lui et donc pouvoir avancer plus vite ensuite vers vos objectifs.
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