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[Chronique n°8] De la tolérance à l’acceptation

cheval se fait panser

Il n’y a rien de pire qu’un cheval de mauvaise volonté, qui ne veut pas, qui ne cherche pas à participer… Et dans ce genre de cas, en général les seuils conseils que l’on trouve c’est l’escalade de la violence. On vous dit que si vous le laissez faire, ça sera de pire en pire, qu’il va prendre le dessus, qu’il faut qu’il comprenne tout de suite qui est le chef.

Et oui effectivement ce genre de stratégies là fonctionnent aussi, parce qu’elles consistent simplement à orienter le cheval vers la fuite plutôt que l’agressivité. Une fois que le cheval a pris peur et qu’il est en fuite, il est ensuite beaucoup plus facile et moins dangereux pour vous de le soumettre.

Mais les choses évoluent et il existe d’autres manières de faire maintenant que de cogner plus fort que le cheval pour arriver à nos fins. C’est ce que j’ai pu expérimenter et que je vais vous raconter ici.

Première stratégie : forcer pour avoir un « oui »

Je donne cours depuis seulement 1 mois ou 2 à une adolescente et sa jument trotteuse de 4 ans. Évidemment on ne connaît pas grand chose du passé de la jument, hormis qu’elle a fait très peu d’entraînements, qu’elle n’a probablement pas réussi les qualifications et qu’elle a été réformée très tôt.

La jument n’a aucune éducation, elle ne sait presque rien faire alors nous commençons par travailler à pied pour avoir les bases qui permettront ensuite que les interactions se déroulent en toute sécurité et dans la compréhension.

Déjà, les problèmes se posent et si j’arrive à obtenir le respect de ma bulle et le reculer, ce n’est pas le cas de mon élève. Je la vois mal à l’aise avec le fait de mettre plus de pression, elle a du mal à s’affirmer et fait les choses sans trop y croire. Et évidemment, la jument en profite, elle la bouscule, lui marche sur les pieds ou arrache la longe.

Une autre fois, alors que le contrôle des hanches s’était bien amélioré, j’ai pu constater qu’ensuite la jument ne se laissait plus approcher sur le côté. Alors je lui ai fait alterner des demandes pour chasser les hanches et des moments où elle va seulement lui grattouiller la croupe. Et là on obtient un pointé alors qu’elle avait gardé sa main sur la croupe jusqu’à l’immobilité qui n’est jamais arrivée. Ensuite, à chaque fois qu’on renouvelait l’opération elle se mettait debout, nous obligeant à stopper là l’exercice pour des raisons de sécurité.

Une autre fois, pour la mettre en cercle, alors que je l’avais prise pour faire une démonstration, j’utilise l’extrémité de la longe vers son épaule pour l’éloigner. Comme elle ne répondait pas, j’ai répété l’opération plusieurs fois en augmentant l’intensité jusqu’au moment où elle a fini par arracher la longe en jetant les postérieurs vers moi. Il n’y avait pas de demi-mesure, soit elle ne répondait pas sans même chercher, soit elle arrachait la longe en coup de cul. J’ai répété l’opération plusieurs fois et elle l’a refait à chaque fois.

La conclusion se révèle petit à petit que plus on lui demande des choses et plus elle refuse de coopérer. Elle commence à coucher davantage les oreilles, à être plus menaçante ou à essayer de s’enfuir en arrachant la longe.

Deuxième stratégie : écouter le « non » et comprendre les limites

Il me fallait trouver une autre stratégie qui nous permettrait d’avoir l’acceptation de la jument et avec laquelle mon élève serait à l’aise. C’est d’ailleurs toute la difficulté de devoir former le cavalier et le cheval en même temps.

Nous changeons donc radicalement l’approche pour passer par un travail pratiquement uniquement en liberté qui mettrait suffisamment de distance pour qu’on soit plus en sécurité. L’avantage avec la liberté, c’est que la jument pourra dire non et s’en aller quand elle voudra, ce qui n’est pas le cas quand on la tient en longe qui l’oblige à rester avec nous.

Et effectivement, dès la première séance en liberté, on se rend compte qu’elle se déplace beaucoup comme si elle voulait nous faire bouger. Alors elle finit par marcher derrière mon élève mais en réalité, elle fait ça parce qu’elle ne tolère pas que l’humain soit positionné ailleurs que devant elle. On ne peut pas l’approcher par les côtés car elle se met immédiatement à marcher ou à se remettre en face. Juste avant de bouger, elle tourne la tête pour exprimer son malaise, un pas de plus et elle s’en va.

Cette phase dure un moment, elle semble se rendre compte qu’elle peut dire non et que le non est autorisé alors elle dit non à tout, elle refuse même de se laisser attraper au pré.

En variant la distance et en utilisant d’autres techniques, on lui montre petit à petit que ce n’est pas si inconfortable, qu’on ne reste pas longtemps et qu’on a compris son malaise. Il n’y a aucune intention et aucune action envers elle, on veut simplement pouvoir se déplacer librement autour d’elle. Et elle peut rester aussi libre de ces déplacements, ainsi chaque fois qu’elle bouge ses pieds, elle nous montre qu’on est allé dans une zone qui n’est pas tolérable pour elle.

Avec l’approche retrait, on la met un peu mal à l’aise mais pas suffisamment pour qu’elle s’en aille et ça augmente son seuil de tolérance. Jusqu’à ce que petit à petit, elle passe réellement dans l’acceptation, qu’elle se détende et que l’on puisse se positionner partout autour d’elle. Le même processus se poursuit ensuite avec le contact de la main sur son épaule, sur son dos, sur sa croupe et enfin avec le licol.

Chaque fois qu’elle passait de l’inconfort à la tolérance puis à l’acceptation, on pouvait assister à une crise de bâillements et un réel relâchement de sa part. Après ces bâillements, ce qu’on était en train de faire était ensuite accepté et les séances suivantes nous continuions là où nous nous étions arrêtées sans retour en arrière.

Après ça, quand mon élève lui a demandé le reculer, le cercle ou les hanches, elle a tout donné très facilement et dans le calme. On a enfin eu des vrais « oui » !

Derrière la tolérance il y a des non qui ne peuvent pas s’exprimer

Cette jument a probablement dans le passé du faire des choses pour lesquelles elle n’était pas d’accord et qu’elle n’avait pas vraiment accepté. On l’a forcé, on l’a attaché et on l’a obligé à subir des choses désagréables comme un pansage un peu trop énergique, un enrênement ou je ne sais quoi d’autre. Le problème n’est d’ailleurs pas la manière dont tout cela a été fait mais surtout que son émotionnel n’a pas été pris en compte et qu’elle n’a pas vraiment accepté ce qu’on lui a proposé.

C’est ce qui fait qu’au moment où on lui donne le choix, elle décide de refuser tout ce qui, à un moment ou à un autre, a pu lui paraître trop inconfortable dans sa vie. Cela est son jugement propre et ça ne veut pas du tout dire qu’elle a été maltraitée, mais simplement qu’elle n’a pas été écoutée.

Aujourd’hui encore, les chevaux sont en grande partie contraints au lieu d’être écouté. C’est ce qu’il se passe quand on met de l’inconfort quand le cheval exprime un comportement que l’on juge indésirable au lieu d’essayer d’en comprendre l’origine. Le cheval comprend qu’il ne doit pas exprimer trop fort son inconfort et passe dans la tolérance. Évidemment cela dépend aussi des individus, certains sont naturellement contestataires alors que d’autres sont toujours volontaire pour tout.

Avec la contrainte et la pression, on peut facilement mettre le cheval dans la tolérance mais une fois qu’on le met en liberté, autrement dit qu’on lui laisse la possibilité de s’en aller c’est là qu’on se rend compte s’il était dans la tolérance ou dans l’acceptation. Donc s’il s’en va c’est qu’il n’était pas dans l’acceptation, aussi simple que ça. Et bien entendu, tout cela se travaille et peut s’améliorer avec la pratique.

En étant capable d’écouter le non du cheval, en flirtant avec ses limites, on peut aussi lui montrer qu’il peut devenir confortable là où il ne l’était pas avant. Aussi la relation avec le cheval n’est pas une histoire de rapport de force ou de domination, c’est juste un dialogue dans lequel il faut apprendre à écouter le cheval, lui montrer qu’on l’a compris et l’inspirer.

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