Un cheval qui hennit lorsqu’il s’éloigne de ses congénères, qui ne supporte pas d’être seul quelques instants, qui accélère et ralentit selon où se trouve les autres chevaux… Ce genre de comportement instinctif inquiète les cavaliers, alors voilà quelques explications et pistes de travail pour amener le cheval à prendre confiance en vous, en lui et à ne plus être dépendant des autres chevaux.
L’instinct grégaire
Tous les chevaux ont cet instinct de survie qui les pousse à vivre tous ensemble dans un troupeau. Selon les personnalités, le mode de vie et le passé de chaque cheval, il aura une importance plus ou moins grande dans sa vie. Ainsi on a certains chevaux qui sont très indépendants vis-à-vis de leurs congénères et d’autres qui vivent très mal la séparation même si cela ne dure que quelques instants.
Il est à noter que la position hiérarchique du cheval dans un troupeau ne détermine pas sa « grégarité ». C’est-à-dire que si votre cheval est le dominant du troupeau, ça ne va pas dire qu’il est forcément celui qui prendra les initiatives ni qu’il est de nature indépendante. Il arrive parfois qu’un cheval très dominant et agressif avec les autres chevaux du groupe ne supporte pas d’être isolés ou séparé même un cours instant de ses congénères, aussi aberrant que cela puisse paraître de notre point de vue.
Chez certains chevaux cet instinct étant sur-développé, il en devient problématique voire même dangereux pour le cavalier, que l’on se trouve à pied ou à cheval, en carrière comme en extérieur.
Dans ces moments là, le cheval est concentré sur la recherche de son ou ses congénères. Il peut même rentrer dans un état émotionnel de stress important qui se manifeste par de fréquents crottins, un rythme cardiaque élevé éventuellement accompagné de hennissements incessants et d’un désir de fuite exacerbé.
Comment diminuer cet instinct ?
Évaluer l’environnement
Pour essayer de diminuer cet instinct il faut d’abord prendre en compte l’environnement du cheval à savoir, ses conditions de vie, sa fréquence de travail, son lieu de travail et la position des autres chevaux par rapport à lui dans chacun des environnements dont vous avez l’habitude.
Un cheval de propriétaire qui a toujours travaillé au manège et en carrière seul et qui vit en box ne vivra pas les choses de la même manière qu’une jeune cheval qui n’a connu que des vertes pâtures et qui est rentré à l’écurie de temps en temps pour le maréchal, le vétérinaire ou juste pour un bon pansage.
Je vous propose un petit exercice qui vous permettra d’évaluer chacune des situations et d’attribuer pour chacune d’elles un degré de stress. Dans un tableau de 3 colonnes on va mettre dans la première colonne toutes les situations qui ne posent pas de problèmes particuliers et dans lesquelles le cheval se trouve assez à l’aise. Dans la deuxième colonne, les situations de stress variables ou modéré, le cheval est inquiet mais il reste à l’écoute de vos indications. Enfin la dernière colonne regroupera toutes les situations dans lesquelles le cheval devient difficilement gérable et dans lesquelles vous vous sentez potentiellement en danger.
Situations confortables à indifférentes | Stress modéré ou variable | Stress intense |
A l’aire de pansage
Au pré avec les autres Au manège |
Dans le fond de la carrière
Dans le rond de longe En balade monté |
En balade, copain de devant qui disparaît derrière un arbre
En balade seul à pied |
Ci-dessus, un exemple non exhaustif de ce que cela pourrait donner chez vous. N’hésitez pas à prendre le temps de bien réfléchir à toutes les situations et si besoin en tester des nouvelles pour le compléter.
Ce tableau vous permettra d’avoir un aperçu des éléments sur lesquels vous devrez travailler avec votre cheval. Votre objectif sera de faire passer progressivement de plus en plus de situations vers la première colonne.
L’accoutumance
L’accoutumance c’est le fait d’habituer le cheval à une situation nouvelle uniquement par la répétition. Le principe est simple, on commence par confronter le cheval à la situation stressante durant une courte période de temps suivi immédiatement d’une situation plus confortable. Cela peut être de se déplacer d’une zone de stress à une zone plus proche des autres chevaux mais on peut aussi renforcer la situation stressante avec des friandises et des grattouilles pour la rendre confortable si l’on est dans le cas d’un stress modéré (colonne du milieu).
Ensuite on va augmenter le temps passé dans la zone ou la situation de stress modéré pour habituer le cheval.
Avec l’accoutumance, on va pouvoir progressivement passer des éléments de la colonne du milieu vers la colonne de gauche.
En amenant progressivement des situations de stress modéré entre deux situations confortables participera à améliore l’expérience de votre cheval. Avec du temps et de la persévérance vous remarquerez que les situations de la colonne du milieu ne posent plus de problèmes et qu’elles font partie maintenant de la colonne de gauche.
Les situations les plus stressantes deviendront alors moins insurmontables pour vous et votre cheval si vous avez une majorité d’éléments qui sont passés dans la colonne de gauche. C’est bien simple, au plus votre cheval sort et voit des choses différentes et au moins il aura peur, au moins ce sera stressant pour lui (même si c’est sa nature).
Pour vous y aider et si vous êtes à l’aise avec les médecines parallèles, l’usage d’homéopathie, aromathérapie, équilux ou autre servira d’accélérateur pour faciliter les progrès et apaiser votre cheval émotif.
Le rôle du cavalier
En tant que cavalier vous avez vous aussi une influence considérable sur le comportement du cheval par vos propres émotions. Certains chevaux y sont plus sensibles que d’autres mais c’est bien connu : si vous êtes crispé et que vous avez peur, votre cheval va s’inquiéter et prendre peur plus facilement.
Vous vous devez, si vous voulez que votre cheval vous fasse confiance, d’avoir une attitude corporelle et des gestes toujours sûrs et précis. La confiance en soi inspire la confiance chez les autres (humains ou animaux).
Évitez absolument de sombrer dans vos propres émotions que ce soit la peur ou la colère, préférez faire une pause de quelques minutes pour retrouver vos esprits avant de poursuivre la séance ainsi vous éviterez de « contaminer » votre cheval.
Il arrivera des moments où vous serez confronté à des situations dans lesquelles votre cheval prendra peur de quelque chose, qu’il sera inquiet ou autre… Vous devez être capable d’abord de ne pas vous laisser impressionner par les réactions de votre cheval.
En plus de la maîtrise de vous-même et de vos émotions, vous devez faire en sorte dans le travail de votre cheval de la rendre le plus intéressant et motivant possible. Ainsi si vous parvenez à avoir toute la concentration de votre cheval, alors il ne pensera plus à l’éloignement des autres chevaux et progressivement vous deviendrez son référent et il sera rassuré par votre présence.
Pour y parvenir vous pouvez utiliser le travail dont vous avez l’habitude mais en rapprochant, multipliant et diversifiant les demandes : votre cheval sera obligé de se focaliser sur vous. Les friandises peuvent être une aide aussi pour motiver le cheval mais si le stress est trop important, la nourriture ne l’intéressera même plus.
La méthode de travail
La façon dont vous choisissez de travailler votre cheval sera importante particulièrement si vous avez un cheval qui a tendance à vouloir suivre les autres, qui ne supporte pas d’être seul dans la carrière ou encore qui ne part pas seul en extérieur.
Dans la nature les chevaux se répartissent individuellement pour pâturer mais se déplacent toujours d’une zone à une autre en file indienne. Dans le troupeau on retrouvera donc souvent les mêmes individus qui prendront les initiatives ou qui passeront en tête du groupe.
Le travail en reprise les uns derrière les autres est très rassurant pour les chevaux mais il est totalement contre-indiqué pour un cheval qui serait trop grégaire et ne ferait que de renforcer encore davantage son instinct de suiveur.
Une alternative possible lorsqu’on travaille en carrière ou en manège c’est de travailler individuellement au milieu d’autres chevaux. En utilisant le principe d’accoutumance on peut progressivement réduire le nombre de chevaux présents jusqu’à ce que le cheval soit seul durant une période de plus en plus longue.
Le travail en botte à botte a aussi de nombreux bénéfices et il peut être mis en application facilement en extérieur. Vous pouvez donc sortir avec un ou plusieurs chevaux montés ou tenus en main si vous en avez l’habitude. Vous aurez comme avantage la proximité rassurante de l’autre cheval tout en obligeant le plus grégaire d’entre eux à se comporter comme un cheval de tête.
Ce dernier devra apprendre à analyser ce qui vient devant et derrière lui et la présence d’un cheval calme à ses côtés lui servira d’exemple à suivre dans la détermination d’un danger potentiel. S’il n’en a pas l’habitude il est possible qu’il prenne peur malgré tout ou qu’il essaye de passer derrière l’autre cheval, passer en tête demande un effort intellectuel important au cheval qui n’en a pas l’habitude alors pensez à augmenter les temps de promenade progressivement.
Un cheval collant, qui ne supporte pas de rester seul et qui en devient même dangereux nécessite du temps et de la patience pour calmer son anxiété. Bien souvent il vous demandera aussi d’être vous-même irréprochable dans la gestion de vos émotions et dans votre confiance en vous afin de devenir un référant de confiance pour votre cheval.
Pour vous aider, n’hésitez donc pas à lister toutes les situations qui vous posent des difficultés ou au contraire qui sont confortables et à les classer de façon à avoir une vue d’ensemble sur ce qui doit être travaillé. Ensuite vous pourrez utiliser l’accoutumance, le travail au botte à botte, les médecines parallèles ou encore votre propre développement personnel pour faire évoluer votre relation avec votre cheval.
Mis à jour le 24/03/2020
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12 Responses
Merci beaucoup! J’arrive maintenant à mieux comprendre les réactions de mon cheval et je vais pouvoir appliquer toutes ces méthodes.
Merci je me sens bien plus à l’aise en sachant que le comportement de mon cheval est normale.
Nos deux chevaux de loisir vivent au pré. Il m’arrive de partir seule sur ma jument, ce qui ne l’inquiète aucunement. Notre problème c’est Elton (un TF de 5 ans) qui ne supporte pas d’être ‘abandonné’ par sa copine. Cela prend parfois des proportions inquiétantes, car j’ai peur qu’il se blesse.
Sinon je monte Elton et prends ma jument avec moi à la longe. Ce qui varie les plaisirs.
Mais comment rassurer Elton si je veux partir sans lui ?
Bonjour Claire,
Pour moi il y a tout un travail à faire avec Elton en le faisant sortir du pré et en l’éloignant de sa copine. Le but c’est de lui proposer une activité agréable pour lui quand il est avec vous et éloigné de sa copine comme du brouting par exemple.
Il faut trouver la distance qui l’inquiète suffisamment pour que ce soit inconfortable et en même temps pas assez pour faire n’importe quoi. En répétant ça, vous pourrez l’éloigner davantage à chaque fois.
Je vous recommande aussi de faire des exercices à pied afin qu’il se rende compte que votre présence est agréable et bienfaisante pour lui.
merci beaucoup de votre réponse.
Je me suis mal exprimée. Je n’ai pas de mal a monter et éloigner le jeune Elton (avec nous depuis 18 mois, c’est le cheval de ma fille). Le problème c’est l’inverse. Lorsque il m’arrive de monter Elton, sa copine Rivage (14 ans, avec nous depuis 10 ans) va hennir, mais elle sait que nous reviendrons, elle se met dans son abris et guette notre retour, comme le faisait la jument précédente de ma fille et qui était beaucoup plus âgée.
Mais lorsque je pars avec Rivage, Elton le supporte très mal. Je crois que je vais tâcher de partir pour des périodes plus courtes et en les rallongeant petit à petit.
Ah pardon !
Mais votre idée me semble bien, si vous aimez la communication animale n’hésitez pas pour l’aider à comprendre. Lorsqu’il est calme, avant de partir envoyez lui des images mentales de vous en train de vous éloigner puis de revenir. Ca peut sembler un peu ésotérique mais je suis persuadée que les chevaux le comprennent bien.
Merci de cette nouvelle réponse. Je vais y travailler et tâcher de partir pour des périodes plus brèves que je rallongerai.
Bonjour Alexandrine, merci infiniment pour votre réponse. J’apprécie énormément votre site et vous en félicite. En ce qui concerne le stress de notre jeune Elton, je me suis mal exprimée. Il n’est pas (trop) inquiet lorsqu’il s’éloigne de ma jument Rivage (qui a 14 ans, avec nous depuis 10 ans). C’est quand je le laisse seul au paddock que je me m’inquiète. Cela me prive de partir seule en ballade avec Rivage…
Bonjour
Ma fille avait pendant trois ans une DP avec Opium. Elle y est très attachée.
Opium a aujourd’hui 19 ans mais est en pleine forme. Elle était en club / box pendant 15 ans.
L’heure de sa retraite a sonné et on l’a donc prise. On lui a trouvé une super pension.
Pré en journée et box la nuit.
La première semaine tout s’est bien passé.
Elle a fait des balades, de la carrière …
Entee le 7eme et le 8eme jour l’attitude d’opium a radicalement changé.
Elle ne supporte plus d’être éloignée de son troupeau. Quand le troupeau n’est plus en vue elle devient ingérable et surtout dangereuse envers Maëlle. Elle ne s’occupe plus de rien et ne pense qu’à retourner avec ses copains. Pas possible de l’emmener à l’écurie pour la brosser, pas possible de l’emmener en carrière ni en balade.
On est tellement désemparé … hormis la brosser dans le pré … nous ne savons plus quoi faire …
Bonjour,
Le fait de changer un cheval de son contexte de vie initial va forcément modifier son comportement. Le fait d’être en troupeau, elle a du s’attacher aux autres chevaux et perdre son côté indépendant qu’elle avait avant. C’est son côté grégaire qui ressort quand elle devient ingérable dès qu’elle est à l’écart des autres. Et en même temps, elle est certainement comme ça parce qu’elle ne voudrait pas être séparée définitivement de ses nouveaux amis.
Je pense qu’il faut faire le choix soit de la garder et de prendre le temps de l’éloigner en distance et en temps progressivement des autres pour lui montrer qu’elle reviendra toujours avec ses copains de pré.
Soit elle est trop difficile à gérer et il y a de vrais problèmes pour la sécurité de votre fille, alors il faut envisager une autre solution au niveau de son mode de vie (bien que ce soit triste de devoir priver un cheval de ses congénères juste pour mieux le contrôler) ou pourquoi pas la remettre en pension dans le club où elle était avant…
Avez-vous essayé de venir vous en occuper au moment où elle est au box ? C’est peut-être plus facile sur ces horaires là…
Bonjour, quand je pars en balade avec ma jument avec un autre cheval, elle le colle aux fesses. Même si j’essaie de jouer avec les rênes, de lui faire prendre d’autres chemins etc. Dès qu’elle repasse derrière, hop elle colle. Devant elle n’est pas super à l’aise. Donc ça va que je connais les chevaux de tête qui ne bottent pas mais j’aimerais qu’elle évite ce comportement, comment faire?
Bonjour,
Déjà ne l’obligez pas à garder une distance avec les chevaux de devant, ne l’arrêtez pas et ne la faites pas changer de chemin ni prendre une grande distance par rapport à ceux de devant car ça va l’inquiéter encore plus et elle va renforcer son comportement et encore plus chercher à les coller.
Je serais plutôt d’avis de la mettre devant surtout si elle colle trop, ça l’aidera à travailler son indépendance et son autonomie